L'eau
Conférence : Les enjeux de l'eau, une goutte d'eau pour nos entreprises ?
Durant l’année 2023-2024, le thème de l’eau a été traité par l’un de nos ateliers de travail. Après avoir participé à plusieurs évènement sur le sujet et réalisé à une fresque de l’eau, nos membres ont souhaité organiser une conférence sur le sujet et son lien avec le monde de l’entreprise intitulée « Les enjeux de l’eau, une goutte d’eau pour nos entreprises ? »
À cette occasion Florence Denier-Pasquier, experte engagée sur les questions de l’eau depuis 25 ans et co-présidente de France Nature Environnement Anjou a été sollicitée pour intervenir lors de l’évènement.
Organisé à l’ESAIP le 28 novembre 2024, celui-ci s’est divisé en deux temps.
Une première partie de conférence, puis à l’issue de celle-ci, les étudiants du master GRE (Gestion des risques et Environnement) de l’ESAIP ont pu sensibiliser les entreprises présentes et leurs collaborateurs à travers l’animation d’ateliers de réflexion.
Membres de l’atelier : Véronique Hillaire (ICÉDAP), Isabelle Guyot (Akceli), Laurent Bizien (Martin Technologies), Emmanuel Saulou (RESTORIA), Chloé Bignon (AGEVAL), Stéphanie Garnier (Becouze), Olivier Perthué (Kypseli)
Retour sur l'événement
La partie conférence a été l’occasion de faire un tour d’horizon sur le thème de l’eau dans son ensemble (cycle, gestion, impact du changement climatique, adaptation, enjeux …), nous vous proposons ci-dessous de retrouver les différentes informations évoquées.
Quelques bases concernant le cycle de l’eau :
- La Terre est composée majoritairement d’eau certes, mais seulement 3% d’eau douce
- L’eau est une ressource normalement renouvelable à condition de respecter ses rythmes (propre à chaque bassin versant et nappe souterraine)
- Comment ça marche ? Les précipitations s’infiltrent dans le sol pour recharger les eaux souterraines (une recharge cyclique des nappes, lesquelles alimentent les cours d’eau à l’été)
- Aujourd’hui en France, 2/3 des précipitation s’évaporent et 1/3 contribuent aux débits des rivières et à l’alimentation des nappes
- Sur le plan local, l’Anjou est un territoire où les précipitations ne sont pas abondantes (entre 519 et 700mm/ an lorsque la moyenne nationale est de 950 mm/an)
Quelles sont les grandes perturbations contemporaines au sujet de l’eau ?
- L’augmentation massive des prélèvements
- Les rejets polluants
- Artificialisation urbaine et rurale des sols
- L’aménagement des cours d’eau et la multiplication des plans d’eau
Pour autant depuis 60 ans une politique publique de l’eau en France a permis de mettre en place un cadre, des objectifs et la réalisation de progrès. Il existe néanmoins des difficultés sur les pollutions diffuses et la restauration des milieux aquatiques. Par ailleurs la dimension et les liens entre eau / climat reste récente.
Quels sont les bouleversements du cycle de l’eau induits par le dérèglement climatique ?
- Un cycle de l’eau plus imprévisible, avec des extrêmes plus fréquents (sécheresses plus intenses / fréquentes additionnées à des précipitations plus sévères et par conséquent un risque d’inondations accru)
- Un impact croissant sur la répartition spatiale des précipitations à l’échelle mondiale
- L’augmentation de la quantité d’eau dans l’atmosphère (une hausse de 1°C engendre 7% d’eau en plus dans l’air) et donc la diminution des stockages naturels d’eau douce
- Une baisse de la disponibilité de l’eau renouvelable (plus de précipitation ne veut pas dire plus d’eau disponible car moins de la moitié des eaux de pluie devient une ressource en eau renouvelable)
En France la ressource en eau renouvelable a diminué de 14% entre 1990 et 2018 passant de 229 milliards de m3 à 197 milliards.
Quelles sont les conséquences transverses des sécheresses ?
Sur les milieux aquatiques :
- Une baisse de la biodiversité (concentration des polluants (nitrates, pesticides, PFAS…), hausse des températures, cyanobactéries…)
- La disparition des zones humides induisant un déstockage du carbone contenu dans les tourbières (externalité négative supplémentaire)
- Des cours d’eau plus souvent assecs
- Une diminution des eaux souterraines
- L’augmentation de biseaux salés en littoral (salinisation de nappes d’eau douce amenant un risque pour la biodiversité impactée)

Sur la baisse des ressources en eau :
- L’augmentation des tensions entre usages et milieux
- Des besoins plus important concernant le refroidissement industriel et nucléaire
- Une diminution de l’énergie hydraulique
- Un demande accrue de l’eau d’irrigation
- De possibles pénuries en eau potable
Sur le production alimentaire :
- Un impact négatif sur la pêche et l’aquaculture
- La baisse des rendements agricoles (pour le fourrages du bétail et les cultures)
- Des risques accrus sur la sécurité alimentaire
Sur l’augmentation de l’assèchement des sols :
- L’accroissement du ruissellement (donc des inondations et de l’érosion des sols)
- La baisse de l’eau disponible pour la végétation (entraînant la fragilisation des arbres et des forêts et par conséquent le risque d’incendies)
Les usages cachés de l’eau
Tout comme le sac à dos écologique pour la fabrication d’objets numériques (ordinateur, smartphone…) dont le consommateur final n’a pas nécessairement la connaissance il existe également une « empreinte eau » concernant production de biens et services.
Il s’agit de la quantité qui a été réellement utilisée dans la fabrication / production au niveau de l’ensemble de la chaîne, comprenant par exemple l’eau utilisée pour l’extraction des matières premières, pour le transport mais également la manutention. Si nous prenons l’exemple d’un T-Shirt, proposé par le site Eau’Dyssée, voici que nous devons prendre compte pour déterminer la quantité d’eau nécessaire à la fabrication :
- L’eau pour faire pousser le coton
- Celle pour créer les produits utilisés dans ces champs de coton
- Celle utilisée dans l’usine de fabrication
- Pour créer l’énergie nécessaire à l’alimentation de l’usine
- Pour produire les carburants nécessaire au transport du T-Shirt
- Pour fabriquer le plastique permettant au T-Shirt d’être protégé
Il existe aujourd’hui des méthodologies de calcul différentes et en évolution pour déterminer l’empreinte eau d’un bien ou d’un service (intégration de l’eau verte, du cycle de vie, du stress hydrique du pays de production, des pollutions de l’eau …). Pour aller plus loin vous pouvez consulter le site d’Eau’Dyssée.

La problématique du cumul des pollutions de l’eau
Problème d’importance capital, s’additionnant aux impacts du changement climatique, les différentes pollutions dont l’eau fait l’objet altèrent sa qualité et limite davantage la disponibilité de cette ressource.

Les sources de pollutions ont des sources diffuses elles peuvent être notamment :
- d’origine agricole (nitrates, pesticides)
- d’autres origines (sols industriels ou miniers pollués, PFAS, plastiques …)
On constate néanmoins des gains de qualité sur ls eaux de surface dans les dernières décennies, fruit des efforts de traitement des eaux usées, a contrario les eaux souterraines souffrent de graves problèmes de pollutions.
Le journal Le Monde a réalisé une agrégation des mesures correspondant à 300 contaminants (pesticides, métaux, médicaments …) dans 24 700 stations de contrôle en France.
L’article propose ainsi une carte des contaminations des eaux souterraines montrant l’étendue des pollutions dans les nappes, reflétant notamment une conclusion : sur les millions de données agrégées pour la période 2016-2023, plus d’un quart (28%) ont enregistré au moins un dépassement de valeurs seuils liées à des contaminants surveillés par les autorités.
(Seuls les paramètres disposant d’une valeur seuil de qualité sont pris en compte sur cette vue. Dans une station étiquetée « sans dépassement », des molécules peuvent avoir été détectées)
Autre exemple récent de la contamination des eaux dans l’ensemble du cycle issue du journal Le Monde, des chercheurs japonais ont fait état dans la revue Environmental Monitoring and Contaminants Research, des premières détections de pesticides dans l’eau de pluie. Il s’agit notamment des néonicotinoïdes comme l’acétamipride à travers des prélèvement d’une dizaine d’échantillon d’eau de pluie recueillis entre avril 2023 et septembre 2024 dans des villes situées à proximité de zones agricoles.
Aujourd’hui « les nuages sont devenus un vecteur de contamination de l’environnement global », a ainsi résumé le chimiste et toxicologue du CNRS Jean-Marc Bonmatin.
8 enjeux clés pour gérer l’eau en tant que bien commun
Changer la perception de l’eau :
- L’eau n’est pas qu’une ressource, elle est une nécessité pour l’ensemble du vivant
- L’eau n’est pas un gisement à exploiter sans limite, la part disponibles aux activités humaines n’est pas infinie
- Les cours d’eau, ruisseaux, zones humides et la vie biologique qu’ils abritent sont nos sentinelles. Il est essentiel de les observer pour faire des états des lieux.
- Eau et sols sont inextricablement liés
- Les eaux superficielles (rivières, lacs, fleuves, étangs, mer, océans) et les eaux souterraines sont également liées et doivent être gérées à la bonne échelle
Apprivoiser les incertitudes :
-
- Face à un cycle de l’eau durablement perturbé, il est important de suivre finement les évolutions hydrologiques à l’échelle territoriale
- La prise en compte des effets du changement climatiques, ses incidences sur la disponibilité de la ressource eau et sa qualité ainsi que le fonctionnement des équipements existants est fondamentale pour être en capacité de s’adapter
- Travailler vers une approche plus transparent des données de prélèvements, avec un suivi temporel plus resserré est un enjeux important pour la société civile
- Apprendre des crises pour mieux anticiper les suivantes
Réduire toutes les pollutions :
- Tout comme pour l’adaptation au changement climatique, la réduction à la source est et sera moins
- couteuse que la gestion des conséquences dans l’urgence
- Accentuer le niveau d’effort pour l’assainissement collectif et industriel
- Se pencher davantage sur la problématique santé-environnement des pollutions par les pesticides et leurs métabolites, les pollutions nitrates et la multiplication des cyanobactéries
- La priorité est à la reconquête d’une qualité naturelle de l’eau potable : l’urgence réside notamment dans la protection des aires de captages
- Avoir une politique alimentaire cohérente
Miser sur la sobriété :
- Les économies d’eau sont une solution sans regret, une sécurisation collective face au manque d’eau
- La déclinaison territoriale des objectifs d’économies d’eau
- Organiser la diminution des prélèvements et la répartition d’une ressource limitée vers des besoins essentiels et justifiés
- Réduire les consommations d’eau à l’échelle d’un site / territoire :
- Connaître et suivre ses consommation
- Réduction des fuites, optimisation des pressions
- Investir dans les améliorations technologiques (circuit fermé, réemploi eaux grises, récupération eaux pluviales…)
- En agriculture : évolutions agroécologiques, diversification des cultures…
Ralentir le cycle terrestre de l’eau :
- Limiter l’imperméabilisation et faciliter l’infiltration des précipitations
- Renaturer les cours d’eau pour ralentir les flux et la vitesse de l’eau
- Se rapprocher des solutions fondées sur la nature : préservation des arbres, haies, zones humides existantes et restauration des milieux dégradés
Partager la ressource réellement disponible :
- Privilégier une disponibilité territoriale sur le long terme d’une ressource en eau de qualité
- Comprendre l’interdépendance entre usages
- Respecter les usages prioritaires du Code de l’environnement
- Ne pas minimiser l’eau nécessaire pour la nature
- Mieux répartir les occupations humaines en fonction de la disponibilité en eau
- Avoir une approche cohérente sans adopter des stratégies de sécurisation locale et à court terme qui renforcent le problème à long terme et à l’échelle globale
Consolider la démocratie de l’eau :
- Eviter les conflits de l’eau
- Apaiser et équilibrer les partage de l’eau
- Renforcer l’approche collective et les solidarités en croisant l’eau avec les enjeux climat / alimentation / santé
- Encourager les élu(e)s à s’emparer du sujet et y prendre toute leur place
- Avoir des acteurs économiques engagés à réduire leurs pressions à l’échelle des entreprises, des filières et des territoires
- Favoriser l’implication citoyenne et association dans les instances de gestion collective de l’eau
Limiter le changement climatique :
- Atténuer les émissions : chaque dixième de degré compte
- Limiter l’ampleur du changement climatique permettra de mieux gérer les adaptations inévitables
- Nos modes de vie ont besoin d’évoluer vers plus de sobriété
- Tendre vers plus de cohérence des politiques nationales et territoriales
- Mobilité
- Aménagement du territoire
- Energie et production des biens manufacturés
- Alimentation
- Entraîner une part plus large de la population : les associations environnementales peuvent jouer un rôle d’interface
À la lumière de ces informations et si vous souhaitez prolonger vos recherches sur le sujet, le site de la Chambre de Commerce et d’Industrie dispose d’une page dédiée à la sobriété en eau pour les entreprises. Il est notamment possible d’en apprendre davantage sur les dispositifs publics, nationaux ou régionaux permettant de financer des actions visant à réaliser des économies en eau dans les entreprises.
Mise à jour juin 2025